Chapitre 2 : 80’s | Une histoire de la culture et de la mode dans les rues de Tokyo.

Chapitre 2 : 80’s | Une histoire de la culture et de la mode dans les rues de Tokyo.



Chapitre 2 : 80’s



Vous avez aimé notre premier article, tentant de faire le tableau des rues de Tokyo au fil des années 50, 60 et 70 ?

Voici la suite, avec une période riche en évolutions culturelles ayant déteint sur le style des tokyoïtes, qui en portent encore les stigmates aujourd’hui. Où que se pose votre regard, dans les rues de Tokyo, ces styles inusuels à nos yeux occidentaux se dévoilent. Les jeunes en particulier, arborent des styles très différents, d’une manière souvent bien loin d’être considérée comme commune. Le quartier de Harajuku en est un parfait exemple, pour sa mode créative et haute en couleur, pleine de vie et d’évolutions.

Les années 80 sont un temps qui semble à la fois proche et lointain. Une décennie qui a enfanté - au Japon comme ailleurs - des bouleversements immenses et rapides, portés par une économie florissante, que ce soit dans les modes de vie, l’architecture, la mode, les croyances… On les retrouve partout à travers le monde, dans tous les pays ayant subi l’après-guerre et vécu le boom économique.

Dans la première moitié des années 1980, avec la société de consommation en toile de fond, se développe une admiration pour le mode de vie « mature » dans la jeunesse, comme en témoignent le nyutora (nouveau traditionnel), l'hamatora (Yokohama traditionnel) et les styles « BCBG », déjà présents dès la fin des années 70 (cf CHAPITRE 1). Ils sont repris par des magazines tels que JJ et POPEYE, qui calquent le mode de vie des étudiants universitaires américains. Ces derniers ont laissé des traces indéniables et indélébiles dès l’après-guerre, contribuant notamment au développement des « sukajans » ou « souvenir jackets » ou du denim, qui vont avoir un nouvel essor dans cette décennie (nous en parlerons prochainement, dans un nouvel article).

Au milieu des années 1980, la jeunesse se démarque surtout avec une contre-culture qui constituera l'essence même du style moderne au Japon. La jeune génération japonaise s’intéresse de plus en plus aux marques et autres créateurs locaux. Cela commence avec le boom de « DC brand »: Les « designer » brand et les « character » brand fleurissent.

Un « Designer brand » est une marque dont l’identité est basée sur la personnalité du créateur à l’origine de la marque à l’instar d’un Jean-Paul Gaultier en France. Le fondateur de la marque est aussi le créateur et dessine les modèles. Un « Character brand » est une marque qui véhicule une identité basée sur un style, comme Chloé ou Céline, par exemple. Plusieurs stylistes dessinent pour la marque en en conservant l’esprit.

Au Japon, l’on parle de « DC burando » pour toute marque portant un insigne ou autre concept de création l’identifiant clairement. Une mode moderne et novatrice explose pour la première fois depuis l’après-guerre, cessant de se baser sur des imitations de la mode étrangère ou de la plus pure tradition japonaise. Elle se destine à une clientèle d’amateurs avertis, prêts à mettre le prix dans vêtements qui leur correspondent loin de la mode parisienne, italienne ou des autres marques japonaises moins créative.

Des couturiers japonais comme Kenzo Takada, Issey Miyake et Kansai Yamamoto jouèrent un rôle actif sur la scène de la mode internationale et furent couverts d’éloges par la presse. Mais c’est surtout les maisons Comme des Garçons et Yohji Yamamoto, qui jouirent d’une popularité élevée au rang de culte, avec des styles aux couleurs sombres. Il ne s’agissait pas pour eux d’exprimer la classe sociale à travers des créations luxueuses, mais de marquer les esprits, proposant une nouvelle attitude par rapport aux vêtements. Ce sont des conventions - surtout occidentales - sur la beauté, la construction d’un vêtement et tant d’autres, dénoncées une à une. Comme des Garçons, maison fondée par Rei Kawakubo, a par exemple commencé avec 5 personnes, qui réalisaient les vêtements à la main ou en confiaient la confection, sous leur œil attentif, à de toutes petites usines. Les quantités étaient infimes, les méthodes artisanales. Toujours à l'avant-garde, la recherche est au centre du travail de la maison. Des vêtements aux coupes asymétriques et déstructurées, une création radicale et novatrice, qui influencent encore aujourd’hui des stylistes de renom comme John Galliano, Marc Jacobs et Phoebe Philo. « Hiroshima Chic » fût longtemps utilisé pour qualifier le style de l'artiste-couturier Yohji Yamamoto, protagoniste du mouvement déconstructionniste. Le prêt-à- porter s’y fait vagabond, le noir domine souvent, le vêtement est désintégré, la construction remise en question, son côté pérenne ou périssable interrogé. Les textures et les matières sont au centre, en mélangeant des techniques traditionnelles aux techniques nouvelles. Le rapport des vêtements au corps était très différent de celui des français chez ces créateurs.



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Au début des années 80, les deux maisons défilent à Paris et le succès fera son nid, petit-à-petit en occident. La presse française raffole de Yojhi Yamomoto et de Comme des Garçons ; elle va inspirer à son tour les magazines japonais, les rendant ainsi populaires au Japon aussi.

La stratégie des DC brand fut de développer un réseau propre de boutiques franchisées, afin de contrôler leur image, du processus de création jusqu’à la décoration des boutiques, pour avoir un univers reconnaissable et uniforme, accentuant leur message et l’engagement de leur clientèle. Les DC brand se sont mêmes mises à recruter des au sein de leurs aficionados, pour en faire des vendeurs et des mannequins, les meilleurs ambassadeurs de la marque. Une révolution à l’époque.

La génération shinjinrui (post baby boom), bercée par l’essor économique, sera la meilleure des ambassadrices pour ces DC brands. Dans les rues, on parle par exemple de « karasu-zoku » (« crow tribe » ou « tribu de corbeaux ») pour ces femmes qui s'habillent en noir de la tête aux pieds. C’est le début de l’apogée de DC brands.



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La mode BCBG « Japanese Preppy » fait aussi fureur, surtout chez les personnes dans la vingtaine, engendrant de nombreuses publications, telles que Cheap Chic (éditions Shoshisha) et The Official Preppy Handbook (Kodansha). La mode commence à être perçue comme faisant partie intégrante du mode de vie et du quotidien.

Le courant « New Wave » ou « Nouvelle vague » est aussi très populaire au Japon, pour la musique et pour la mode, qui en traduit l’essence même.

C’est aussi le début de la mode « kawaii » pour les filles, promue par le magazine Olive, lancée par Magazine House en 1982. Les étudiantes de premier et de second cycle l’adoptent rapidement. À ce stade, on parle de « Olive girls » ou de « otome » (jeune fille). Le style est caractérisé par des vêtements amples et volumineux, avec des détails comme des gros cols, des volants et des rubans, ainsi que les couleurs rouge, rose et blanc. La marque Pink House fait ses débuts et sera très appréciée des adeptes de cette tendance. Dans la seconde moitié des années 80, Olive devient la bible de la mode chez les adolescentes. La mode et le style de vie parisiens de l’époque, du moins une certaine vision de ceux-ci, sont révérés. C’est le début d’une longue histoire d’amour. Les vêtements et accessoires faits main et vintage s’encrent solidement dans la culture japonaise. Les exemples du style « à la parisienne » s’étofferont progressivement et incluront des silhouettes oversize et les jeans déchirés.



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Un autre mouvement naît de ce culte du « style parisien » version japonaise: Les « Ados en noir ». Dans la seconde moitié des années 1980, les bombers noirs (souvent le classique MA-1) jumelés au denim, fleurissent dans les rues. La génération shinjinrui prend en maturité et devient plus casual. C’est surtout la génération dankai junior (la deuxième génération du baby-boom, les teenagers de l’époque), qui arbore ce style.

Un autre mouvement naît de ce culte du « style parisien » version japonaise: Les « Ados en noir ». Dans la seconde moitié des années 1980, les bombers noirs (souvent le classique MA-1) jumelés au denim, fleurissent dans les rues. La génération shinjinrui prend en maturité et devient plus casual. C’est surtout la génération dankai junior (la deuxième génération du baby-boom, les teenagers de l’époque), qui arbore ce style.

A’ noter aussi, côté masculin, le mouvement « Character Fashion » et « Chekkers » s’inspirant de pop stars comme Seiko Matsuda ou de groupes comme the Checkers, des pieds à la tête. On parle même de coupe de cheveux « Seiko Chan ». Carreaux, chemises, vestes et pantalons larges, coupes très « new wave », la jeunesse copie ses idoles.



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Le style bodycon (conscience du corps) s’empare aussi des rues, en réaction au DC brands et au Kawaï. Un style très sophistiqué, plein de sex-appeal, souvent caractérisé par le port de robes cintrées en haut et des coupes de cheveux longues. On parle aussi de « JJ sophis », un style élégant et sophistiqué, prôné par le magazine JJ et développés par des designers locaux comme Junko Shimada ou symbolisé par des marques étrangères comme Chanel et Louis Vuitton.



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Le Shibuya Casual style « shibukaji » est aussi à noter. Chez les femmes par exemple: Un jean coupe droite style boyfriend, un chemisier large uni, un blazer large dans les tons foncés, parfois agrémenté d’un foulard, par mimétisme avec des actrices de séries populaires. Du denim, du coton, des coupes confortables, mais un style irréprochable.

Vers la fin des années 80, c’est surtout le boom du sportswear qui va s’emparer des rues de Tokyo avec les enfants des baby-boomers (les « Dankai Junior »), certainement influencés par les tubes occidentaux planétaires, dont les interprètes n’hésitent pas à se mettre en scène dans des clips vidéos avec des éléments appartenant au monde du sportswear. C’est aussi le début des influences hip-hop dans le street style japonais…



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Posted on 11/08/2018 by Thomas ROBERT History 0 4586

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